Délimitation maritime en mer Noire (Roumanie c. Ukraine)
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Le 16 septembre 2004, la Roumanie a déposé une requête introductive d’instance contre l’Ukraine relative à un différend concernant « l’établissement d’une frontière maritime unique entre les deux Etats dans la mer Noire, qui permettrait de délimiter le plateau continental et les zones économiques exclusives relevant d’eux ». Le mémoire de la Roumanie et le contre-mémoire de l’Ukraine ont été déposés dans les délais fixés par ordonnance du 19 novembre 2004. Par ordonnance du 30 juin 2006, la Cour a autorisé la présentation d’une réplique par la Roumanie et d’une duplique par l’Ukraine, et fixé au 22 décembre 2006 et au 15 juin 2007, respectivement, les dates d’expiration du délai pour le dépôt de ces pièces de procédure. La réplique de la Roumanie a été déposée dans le délai fixé. Par ordonnance en date du 8 juin 2007, la Cour a prorogé au 6 juillet 2007 la date d’expiration du délai pour le dépôt de la duplique de l’Ukraine. Cette duplique a été déposée dans le délai ainsi prorogé.
Après avoir tenu des audiences publiques en septembre 2008, la Cour a rendu son arrêt le 3 février 2009. Se fondant sur la pratique établie des Etats et sur sa propre jurisprudence, la Cour a déclaré devoir s’en tenir à la méthode en trois étapes énoncée par le droit de la délimitation maritime, méthode qui consiste, dans un premier temps, à tracer une ligne d’équidistance provisoire, puis à examiner les circonstances susceptibles de justifier un ajustement de cette ligne pour l’infléchir en conséquence et, enfin, à vérifier que la ligne ainsi ajustée ne donnera pas lieu à un résultat inéquitable en comparant le rapport entre les longueurs des côtes avec celui des zones maritimes pertinentes.
Se conformant à cette approche, la Cour a tracé dans un premier temps une ligne d’équidistance provisoire. A cette fin, elle devait déterminer des points de base appropriés. Après avoir examiné en profondeur les caractéristiques propres à chaque point de base retenu par les Parties aux fins de l’établissement de la ligne d’équidistance provisoire, la Cour a décidé de retenir comme points de base, sur la côte roumaine, la péninsule de Sacaline et la base de la digue de Sulina et, sur la côte ukrainienne, l’île de Tsyganka, le cap Tarkhankut et le cap Chersonèse. Elle a considéré qu’il n’y avait lieu de ne retenir aucun point de base sur l’île des Serpents (appartenant à l’Ukraine). La Cour a tracé ensuite une ligne d’équidistance provisoire comme suit :
« Le segment initial de la ligne d’équidistance provisoire entre les côtes adjacentes de la Roumanie et de l’Ukraine est construit à partir des points de base constitués, pour la côte roumaine, par la base de la digue de Sulina et, pour la côte ukrainienne, par la pointe sud-est de l’île de Tsyganka. A partir d’un point situé à mi-distance de ces deux points de base, il se dirige vers le sud-est jusqu’au point A (situé par 44°46′ 38,7ʺ de latitude nord et 30°58′ 37,3ʺ de longitude est), où son tracé s’infléchit sous l’effet d’un point de base situé sur la péninsule de Sacaline, sur la côte roumaine. Au point A, la ligne d’équidistance change légèrement de direction pour se poursuivre jusqu’au point B (situé par 44°44′13,4ʺ de latitude nord et 31°10′27,7ʺ de longitude est), où son tracé s’infléchit sous l’effet du point de base situé sur le cap Tarkhankut, sur la côte opposée de l’Ukraine. Au point B, elle s’oriente vers le sud-sud-est pour se poursuivre jusqu’au point C (situé par 44°02′ 53,0ʺ de latitude nord et 31°24′35,0ʺ de longitude est), calculé à partir des points de base situés, pour la côte roumaine, sur la péninsule de Sacaline et, pour la côte ukrainienne, aux caps Tarkhankut et Chersonèse. A partir du point C, la ligne d’équidistance se poursuit vers le sud, selon un azimut initial de 185°23′54,5ʺ. Cette ligne reste régie par les points de base situés sur la péninsule de Sacaline, sur la côte roumaine, et le cap Chersonèse, sur la côte ukrainienne. »
Dans un deuxième temps, la Cour s’est penchée sur l’examen de circonstances pertinentes pouvant appeler un ajustement de la ligne d’équidistance provisoire, en tenant compte de six critères possibles : 1) la disproportion éventuelle entre les longueurs des côtes ; 2) le caractère fermé de la mer Noire et les délimitations déjà effectuées dans la région ; 3) la présence de l’île des Serpents dans la zone de délimitation ; 4) la conduite des Parties (concessions pétrolières et gazières, activités de pêche et patrouilles navales) ; 5) toute limitation éventuelle du droit de l’une ou l’autre Partie à un plateau continental ou à une zone économique exclusive ; et 6) certaines considérations des Parties tenant à la sécurité. La Cour n’a vu, dans ces divers critères, aucune raison justifiant l’ajustement de la ligne d’équidistance provisoire. Notamment en ce qui concerne l’île des Serpents, elle a estimé que cette île ne devrait avoir d’autre incidence sur la délimitation que celle découlant de l’arc des 12 milles marins de mer territoriale.
Enfin, la Cour a confirmé que la ligne ne donnait pas lieu à un résultat inéquitable en comparant le rapport entre les longueurs des côtes avec celui des zones maritimes pertinentes. La Cour a précisé à cet égard que les longueurs respectives des côtes de la Roumanie et de l’Ukraine étaient dans un rapport d’environ 1 à 2,8, les portions des zones maritimes pertinentes s’inscrivant, quant à elles, dans un rapport d’environ 1 à 2,1.
Dans le dispositif de son arrêt, la Cour a dit, à l’unanimité, ce qui suit :
« à partir du point 1, tel que convenu par les Parties à l’article premier du traité de 2003 relatif au régime de la frontière d’Etat, la ligne frontière maritime unique délimitant le plateau continental et les zones économiques exclusives de la Roumanie et de l’Ukraine dans la mer Noire suit l’arc des 12 milles marins de la mer territoriale de l’Ukraine entourant l’île des Serpents jusqu’à son intersection avec la ligne équidistante des côtes adjacentes de la Roumanie et de l’Ukraine, au point 2 (situé par 45°03′ 18,5ʺ de latitude nord et 30°09′ 24,6ʺ de longitude est). A partir du point 2, la frontière suit la ligne d’équidistance en passant par les points 3 (situé par 44°46′ 38,7ʺ de latitude nord et 30°58′ 37,3ʺ de longitude est) et 4 (situé par 44°44′ 13,4ʺ de latitude nord et 31°10′ 27,7ʺ de longitude est), jusqu’au point 5 (situé par 44°02′ 53,0ʺ de latitude nord et 31°24′ 35,0ʺ de longitude est). A partir du point 5, la frontière maritime se poursuit vers le sud le long de la ligne équidistante des côtes de la Roumanie et de l’Ukraine qui se font face, selon un azimut géodésique initial de 185°23′ 54,5ʺ, jusqu’à atteindre la zone où les droits d’Etats tiers peuvent entrer en jeu. »
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.