Certaines questions concernant l'entraide judiciaire en matière pénale (Djibouti c. France)
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Le 9 janvier 2006, la République de Djibouti a déposé une requête contre la République française au sujet d’un différend
« port[ant] sur le refus des autorités gouvernementales et judiciaires françaises d’exécuter une commission rogatoire internationale concernant la transmission aux autorités judiciaires djiboutiennes du dossier relatif à la procédure d’information relative à l’affaire contre X du chef d’assassinat sur la personne de Bernard Borrel et ce, en violation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement [djiboutien] et le Gouvernement [français] du 27 septembre 1986, ainsi qu’en violation d’autres obligations internationales pesant sur la [France] envers … Djibouti ».
Djibouti prétendait également dans sa requête que les actes incriminés constituaient une violation du traité d’amitié et de coopération qu’il avait conclu avec la France le 27 juin 1977. Djibouti indiquait qu’il entendait fonder la compétence de la Cour sur le paragraphe 5 de l’article 38 du Règlement de la Cour. Cette disposition s’applique lorsqu’un Etat soumet un différend à la Cour en entendant fonder la compétence de celle-ci sur un consentement non encore donné ou manifesté par l’Etat contre lequel la requête est formée. C’était la seconde fois que la Cour était amenée à trancher un différend porté devant elle par une requête fondée sur le paragraphe 5 de l’article 38 de son Règlement. La France a consenti à la compétence de la Cour par une lettre en date du 25 juillet 2006, dans laquelle elle a précisé que cette acceptation « ne va[lait] qu’aux fins de l’affaire au sens de l’article 38, paragraphe 5 précité, c’est-à-dire pour le différend qui fait l’objet de la requête et dans les strictes limites des demandes formulées dans celle-ci » par Djibouti. Toutefois, les Parties étaient en désaccord sur la portée exacte du consentement de la France.
Dans l’arrêt qu’elle a rendu le 4 juin 2008, la Cour, après avoir lu la requête de Djibouti en conjonction avec la lettre de la France pour apprécier la portée du consentement mutuel des Parties, a conclu : a) qu’elle avait compétence pour statuer sur le différend relatif à l’exécution de la commission rogatoire adressée par la République de Djibouti à la République française le 3 novembre 2004 ; b) qu’elle avait compétence pour statuer sur le différend relatif à la convocation en tant que témoin adressée le 17 mai 2005 au président de la République de Djibouti, et aux convocations en tant que témoins assistés adressées les 3 et 4 novembre 2004 et 17 juin 2005 à deux hauts fonctionnaires djiboutiens ; c) qu’elle avait compétence pour statuer sur le différend relatif à la convocation en tant que témoin adressée le 14 février 2007 au président de la République de Djibouti ; et d) qu’elle n’avait pas compétence pour statuer sur le différend relatif aux mandats d’arrêt délivrés le 27 septembre 2006 à l’encontre de deux hauts fonctionnaires djiboutiens.
Après avoir établi l’étendue exacte de sa compétence en l’affaire, la Cour s’est penchée dans un premier temps sur la prétendue violation par la France du traité d’amitié et de coopération entre la France et Djibouti du 27 juin 1977. Tout en soulignant que les dispositions dudit traité constituaient des règles pertinentes de droit international qui avaient « une certaine incidence » sur les relations entre les Parties, la Cour a conclu que « le champ de coopération prévu par [c]e traité ne couvr[ait] pas le domaine judiciaire » et que les règles pertinentes précitées n’impos[aient] aucune obligation concrète en l’affaire.
La Cour s’est penchée ensuite sur l’allégation selon laquelle la France aurait violé ses obligations en vertu de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale de 1986. Cette convention envisage une coopération judiciaire, notamment la demande et l’exécution de commissions rogatoires (il s’agit habituellement du transfert, à des fins judiciaires, d’informations détenues par une partie). La convention prévoit également des exceptions à cette coopération judiciaire. Les autorités judiciaires françaises ayant refusé de transmettre le dossier sollicité, une des questions clef de l’affaire était de savoir si ce refus relevait de la catégorie des exceptions autorisées. L’autre question qui se posait était de savoir si la France avait respecté les dispositions de la convention de 1986 pour ce qui est d’autres aspects. La Cour a conclu que les motifs invoqués par le juge d’instruction français pour ne pas faire droit à la demande d’entraide entraient dans les prévisions de l’article 2 c) de la convention, qui autorise l’Etat requis à refuser d’exécuter une commission rogatoire s’il estime que cette exécution est de nature à porter atteinte à la souveraineté, la sécurité, l’ordre public, ou d’autres de ses intérêts essentiels. En revanche, la Cour a fait observer que, aucun motif n’ayant été avancé dans la lettre datée du 6 juin 2005 par laquelle la France avait fait connaître à Djibouti son refus d’exécuter la commission rogatoire présentée par celui-ci le 3 novembre 2004, la France avait manqué à son obligation internationale de motivation au titre de l’article 17 de la convention de 1986.
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.