Délimitation maritime dans la région située entre le Groenland et Jan Mayen (Danemark c. Norvège)
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Le 16 août 1988, le Gouvernement du Danemark a déposé au Greffe une requête introduisant une instance contre la Norvège par laquelle il a saisi la Cour d’un différend relatif à la délimitation des zones de pêche et du plateau continental du Danemark et de la Norvège dans les eaux séparant la côte orientale du Groenland de l’île norvégienne de Jan Mayen, où une étendue d’environ 72000 kilomètres carrés était revendiquée par les deux Parties. Le 14 juin 1993, la Cour a rendu son arrêt. Le Danemark demandait à la Cour de tracer une ligne unique de délimitation desdites zones, et cela à une distance de 200 milles marins mesurée à partir de la ligne de base du Groenland ou, si la Cour se trouvait dans l’impossibilité de tracer une telle ligne, en conformité avec le droit international. La Norvège, pour sa part, demandait à la Cour de considérer la ligne médiane comme constituant les deux lignes de séparation aux fins de la délimitation des deux zones pertinentes, étant entendu que lesdites lignes coïncideraient donc, mais que les délimitations demeureraient conceptuellement distinctes. Une des allégations principales de la Norvège était qu’une délimitation avait déjà été effectuée entre Jan Mayen et le Groenland, du fait des traités en vigueur entre les Parties, à savoir un accord bilatéral de 1965 et la convention de Genève sur le plateau continental de 1958, ces deux instruments prévoyant le tracé d’une ligne médiane.
La Cour a tout d’abord relevé que l’accord de 1965 visait des régions différentes du plateau continental entre les deux pays, et que ledit accord ne faisait pas état d’une intention des Parties à s’engager à appliquer la ligne médiane pour toutes les délimitations ultérieures du plateau. La Cour a ensuite constaté que la valeur de l’argument de la Norvège concernant la convention de 1958 dépendait en l’occurrence de l’existence de « circonstances spéciales » telles qu’envisagées par la convention. Elle a ensuite rejeté la thèse de la Norvège selon laquelle les Parties auraient, par leur « conduite conjointe », reconnu depuis longtemps l’applicabilité d’une délimitation selon la ligne médiane dans leurs relations mutuelles. La Cour a examiné séparément les deux branches du droit applicable : l’effet de l’article 6 de la convention de 1958, applicable à la délimitation du plateau continental, et ensuite l’effet du droit coutumier régissant la zone de pêche. Après avoir examiné la jurisprudence dans ce domaine et les dispositions de la convention des Nations Unies sur le droit de la mer de 1982, la Cour a fait observer que l’indication (dans ces dispositions) d’une « solution équitable » comme but de toute opération de délimitation reflétait les exigences du droit coutumier en ce qui concerne la délimitation tant du plateau continental que des zones économiques exclusives. Elle a considéré qu’en l’espèce, tant pour le plateau continental que pour les zones de pêche, il convenait de commencer l’opération de délimitation en traçant une ligne médiane à titre provisoire, et a alors fait observer qu’elle devait examiner tout facteur propre à l’espèce et susceptible de donner lieu à un ajustement ou déplacement de cette ligne médiane tracée à titre provisoire. La convention de 1958 exige l’examen de toutes les « circonstances spéciales » ; le droit coutumier fondé sur des principes équitables exige pour sa part d’examiner les « circonstances pertinentes ».
La Cour a constaté que, bien qu’il s’agisse de catégories différentes par leur origine et par leur nom, il y a inévitablement une tendance à l’assimilation des deux types de circonstances. La Cour est ensuite passée à la question de savoir si les circonstances en l’espèce exigeaient un ajustement ou un déplacement de la ligne médiane. Elle a examiné à cette fin un certain nombre de facteurs. En ce qui concerne la disparité ou disproportion entre les longueurs des « côtes pertinentes », alléguée par le Danemark, la Cour est arrivée à la conclusion que la différence remarquable de longueur entre lesdites côtes pertinentes constituait une circonstance spéciale au sens du paragraphe 1 de l’article 6 de la convention de 1958. De même, s’agissant des zones de pêche, la Cour a été d’avis que l’application de la ligne médiane aboutissait à des résultats manifestement inéquitables. Il en est résulté pour la Cour que la ligne médiane devait être ajustée ou déplacée de manière à effectuer la délimitation plus près de la côte de Jan Mayen.
La Cour a ensuite examiné certaines circonstances qui pourraient aussi influer sur l’emplacement de la ligne de délimitation : l’accès aux ressources, essentiellement halieutiques (capelan), compte tenu notamment de la présence des glaces ; population et économie ; questions de sécurité ; conduite des Parties. Parmi ces facteurs, la Cour n’a retenu que celui afférent à l’accès aux ressources, en estimant que la ligne médiane était située trop loin à l’ouest pour que le Danemark soit assuré d’une possibilité d’accès équitable au stock de capelan. Elle a conclu que, pour cette raison aussi, la ligne médiane devait être ajustée ou déplacée vers l’est. La Cour a enfin procédé à la définition de la ligne unique de délimitation comme étant la ligne M-N-O-A figurée sur le croquis reproduit à la page 80 de l'arrêt.
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.