Conformité au droit international de la déclaration unilatérale d'indépendance relative au Kosovo
VUE D'ENSEMBLE DE L'AFFAIRE
Le 8 octobre 2008 (résolution 63/3), l’Assemblée générale a décidé de demander à la Cour de donner un avis consultatif sur la question suivante : « La déclaration unilatérale d’indépendance des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo est-elle conforme au droit international ? »
Trente-six Etats Membres de l’Organisation des Nations Unies ont déposé des exposés écrits, et les auteurs de la déclaration unilatérale d’indépendance ont eux-mêmes déposé une contribution écrite. Quatorze Etats ont fait des observations écrites sur les exposés écrits des Etats et la contribution écrite des auteurs de la déclaration d’indépendance. Vingt-huit Etats et les auteurs de la déclaration unilatérale d’indépendance ont participé aux audiences publiques qui se sont tenues du 1er au 11 décembre 2009.
Dans l’avis consultatif qu’elle a rendu le 22 juillet 2010, la Cour a conclu que « la déclaration d’indépendance du Kosovo adoptée le 17 février 2008 n’[avait] pas violé le droit international ». Avant de parvenir à cette conclusion, la Cour s’est d’abord interrogée sur le point de savoir si elle avait compétence pour donner l’avis consultatif demandé par l’Assemblée générale. Après avoir constaté qu’elle avait compétence pour donner l’avis consultatif demandé, la Cour a examiné la question, soulevée par un certain nombre de participants, de savoir si elle devait néanmoins, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, décider de ne pas exercer cette compétence. La Cour a conclu que, à la lumière de sa jurisprudence, il n’existait pas « de raison décisive de refuser d’exercer sa compétence » à l’égard de la demande.
S’agissant de la portée et du sens de la question, la Cour a conclu que la référence aux « institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo » figurant dans la question formulée par l’Assemblée générale ne l’empêchait pas de décider elle-même si la déclaration d’indépendance avait été prononcée par les institutions provisoires d’administration autonome ou par une autre entité. Elle a aussi conclu que la question à laquelle il lui était demandé de répondre n’était pas celle de savoir si le droit international conférait au Kosovo un droit positif de déclarer son indépendance, mais si une règle du droit international interdisait une telle déclaration.
La Cour a, dans un premier temps, cherché à déterminer si la déclaration d’indépendance était conforme au droit international général. Elle a relevé qu’« il ressort[ ait] clairement de la pratique » des Etats au XVIIIe siècle, XIXe siècle et au début du XXe siècle que « le droit international n’interdisait nullement les déclarations d’indépendance ». La Cour a notamment conclu que « [l]a portée du principe de l’intégrité territoriale [était] … limitée à la sphère des relations interétatiques ». Elle a aussi établi qu’aucune interdiction générale des déclarations d’indépendance ne pouvait être déduite des résolutions du Conseil de sécurité condamnant d’autres déclarations d’indépendance, puisque ces déclarations d’indépendance s’inscrivaient dans le contexte d’un recours illicite à la force ou d’une violation d’une norme de jus cogens. La Cour a donc conclu que la déclaration d’indépendance relative au Kosovo n’avaient pas violé le droit international général.
La Cour a ensuite recherché si la déclaration d’indépendance était en conformité avec la résolution 1244 du 10 juin 1999 du Conseil de sécurité. Elle a jugé que l’objet et le but de cette résolution étaient d’établir « un régime juridique temporaire de caractère exceptionnel qui s’[était] substitué … à l’ordre juridique serbe … à titre transitoire ». La Cour s’est ensuite penchée sur l’identité des auteurs de la déclaration d’indépendance. L’analyse du contenu et de la forme de la déclaration, ainsi que du contexte dans lequel elle avait été formulée, a amené la Cour à conclure que ses auteurs n’étaient pas les institutions provisoires d’administration autonome, mais des « personnes ayant agi de concert en leur qualité de représentants du peuple du Kosovo, en dehors du cadre de l’administration intérimaire ». La Cour a conclu que la déclaration d’indépendance ne violait pas la résolution 1244 pour deux raisons. Premièrement, la Cour a mis l’accent sur le fait que les deux instruments « ét[aient] de nature différente », la résolution 1244 étant muette sur le statut final du Kosovo, tandis que la déclaration d’indépendance constituait une tentative pour déterminer ce statut. Deuxièmement, elle a relevé que la résolution 1244 n’imposait que des obligations très limitées aux acteurs non étatiques, et qu’aucune de ces obligations n’emportait la moindre interdiction de déclarer l’indépendance. Enfin, au vu de la conclusion à laquelle elle était parvenue, selon laquelle la déclaration d’indépendance n’émanait pas des institutions provisoires d’administration autonome du Kosovo, la Cour a jugé que ses auteurs n’étaient pas liés par le cadre constitutionnel établi en vertu de la résolution 1244, et que la déclaration d’indépendance n’avait donc pas violé ce cadre.
En conséquence, la Cour a conclu que l’adoption de la déclaration d’indépendance n’avait violé aucune règle applicable du droit international. Le 9 septembre 2010, l’Assemblée générale a adopté une résolution dans laquelle elle a pris acte de la teneur de l’avis de la Cour donné en réponse à sa demande (résolution 64/298).
Cette vue d’ensemble de l’affaire est donnée uniquement à titre d’information et n’engage en aucune façon la Cour.