RÉSOLUTION VISANT
LA PRATIQUE INTERNE DE LA COUR
EN MATIÈRE JUDICIAIRE
(RÈGLEMENT, ARTICLE 19)
ADOPTÉE LE 12 AVRIL 1976
La Cour décide de reviser la résolution du 5 juillet 1968 1 visant la pratique interne de la Cour en matière judiciaire et d'adopter les articles consignés dans la présente résolution relatifs à sa pratique interne en matière judiciaire2. La Cour reste entièrement libre de s'écarter de la présente résolution dans un cas d'espèce, si elle estime que les circonstances le justifient.
Article 1
i) Après la clôture de la procédure écrite et avant l’ouverture de la procédure orale, la Cour se réunit en chambre du conseil pour permettre aux juges d’échanger des vues sur l’affaire et de signaler les points sur lesquels les juges considèrent qu’il faudrait, le cas échéant, provoquer des explications pendant les plaidoiries.
ii) Dans les affaires comportant deux tours de plaidoiries, la Cour tient une nouvelle délibération aux mêmes fins, après le premier tour.
iii) La Cour se réunit aussi de temps à autre en chambre du conseil pendant la procédure orale pour permettre aux juges d’échanger des vues sur l’affaire et de s’informer mutuellement des questions que les juges pourraient avoir l’intention de poser dans l’exercice du droit que leur confère l’article 61, paragraphe 3, du Règlement.
Article 2
Après la fin de la procédure orale, un délai approprié est donné aux juges pour l'étude de l'argumentation présentée à la Cour.
Article 3
i) A l’expiration de ce délai, une délibération a lieu pendant laquelle le Président indique les points qui, à ses yeux, devraient être discutés et tranchés par la Cour . Chaque juge peut alors présenter des observations sur l’exposé du Président ou attirer l’attention sur tous autres points ou questions que ce juge considère comme pertinents et peut à tout moment, au cours de la délibération ou à la fin de celle-ci, faire distribuer des textes contenant l’énoncé de nouvelles questions ou l’énoncé amendé de questions déjà signalées.
ii) Pendant cette délibération, tout juge peut présenter des observations sur la pertinence des points ou des questions qui se posent en l'espèce. Le Président invite aussi les juges à faire connaître leurs impressions préliminaires sur quelque point ou quelque question que ce soit.
iii) Le Président donne la parole aux juges dans l’ordre où elle est demandée.
Article 4
i) A la suite de cette délibération et dans un délai approprié, chaque juge prépare une note écrite qui est distribuée aux autres juges.
ii) Dans cette note écrite, le juge exprime son opinion sur l'affaire en indiquant notamment :
a) s'il y aurait lieu de ne pas examiner plus avant certaines des questions signalées ou s'il ne serait ni nécessaire ni utile que la Cour les tranche;
b) les questions précises auxquelles la Cour devrait répondre;
c) son opinion provisoire, quant aux réponses à apporter aux questions mentionnées sous b) ci-dessus et sur quels motifs cette opinion est fondée ;
d) sa conclusion provisoire sur la solution à donner à l'affaire.
Article 5
i) Après que les juges ont eu l'occasion de prendre connaissance des notes écrites, une nouvelle délibération a lieu pendant laquelle tous les juges, invités par le Président à prendre la parole, en règle générale dans l'ordre inverse de l'ancienneté, doivent exprimer leur opinion. Tout juge peut, à propos de l'exposé d'un autre juge, formuler des observations ou demander des explications complémentaires.
ii) Au cours de cette délibération, tout juge a la faculté de faire distribuer le texte d'une question supplémentaire ou le texte amendé d'une question déjà signalée.
iii) A la demande de tout juge, le Président prie la Cour de décider si un vote doit avoir lieu sur quelque question que ce soit.
Article 6
i) Sur la base des vues exprimées pendant les délibérations et dans les notes écrites, la Cour désigne un comité de rédaction au scrutin secret et à la majorité absolue des juges présents. Elle élit deux membres qui doivent être choisis parmi les juges dont les exposés oraux et les notes écrites se sont avérés les plus proches de l’opinion de la majorité de la Cour telle que cette majorité semble se dégager à ce moment.
ii) Le Président est d’office membre du comité de rédaction, à moins que son opinion se distingue de celle de la majorité de la Cour telle que cette majorité semble se dégager à ce moment, auquel cas sa place est occupée par le Vice-Président. Si le Vice-Président ne peut être désigné pour le même motif, la Cour élit un troisième membre du comité suivant la procédure fixée ci dessus ; en ce cas, le plus ancien des juges élus préside le comité.
iii) Si le Président n’est pas membre du comité de rédaction, le comité s’enquiert de ses vues sur son projet avant de le soumettre à la Cour. Si le comité n’estime pas possible d’adopter des amendements proposés par le Président, il les soumet à la Cour en même temps que son projet.
Article 7
i) Un avant-projet de décision est distribué aux juges, qui peuvent présenter des amendements écrits. Après avoir examiné ces amendements, le comité de rédaction soumet un projet révisé à discuter par la Cour en première lecture.
ii) Les juges qui désirent présenter une opinion individuelle ou dissidente en communiquent le texte à la Cour après la fin de la première lecture, dans le délai fixé par la Cour.
iii) Le comité de rédaction fait distribuer un projet de décision amendé à discuter en une seconde lecture, au cours de laquelle le Président demande si des juges désirent proposer de nouveaux amendements.
iv) Les juges qui présentent des opinions individuelles ou dissidentes ne peuvent faire de modifications ou d’additions à leur opinion que dans la mesure où des changements ont été apportés au projet de décision. Pendant la seconde lecture, ces juges font connaître à la Cour les modifications ou additions à apporter à leur texte pour cette raison. Un délai est fixé par la Cour pour le dépôt des textes révisés des opinions individuelles ou dissidentes ; copie de ces textes est adressée à la Cour.
Article 8
i) A la fin de la seconde lecture ou après un délai approprié, le Président invite les juges à exprimer leur vote final sur la décision ou la conclusion dont il s'agit, dans l'ordre inverse de leur ancienneté et de la manière prévue au paragraphe v) du présent article.
ii) Si la décision a trait à des points qui peuvent être séparés, la Cour applique en principe, à moins que la nature de l'affaire n'exige qu'elle procède autrement, la méthode suivante :
a) tout juge peut demander un vote distinct sur chacun des points;
b) lorsque la Cour doit se prononcer sur sa compétence ou sur la recevabilité d'une demande, les votes séparés sur des points particuliers concernant la compétence ou la recevabilité (sauf s'il résulte de l'un de ces votes qu'une exception préliminaire est bien fondée en vertu du Statut et du Règlement) sont suivis d'un vote sur la question de savoir si la Cour peut procéder à l'examen de l'affaire au fond ou, au cas où ce stade est déjà atteint, sur la question globale de savoir si en définitive la Cour est compétente ou la demande recevable.
iii) Dans les cas visés par le paragraphe ii) du présent article ou dans tout autre cas où un juge le demande, le scrutin final n'intervient qu'après une discussion sur la nécessité de votes distincts, un délai approprié s'écoulant si possible entre la discussion et le scrutin.
iv) Sur le point de savoir si elle doit mentionner dans sa décision les votes distincts prévus au paragraphe ii) du présent article, la Cour décide.
v) Lorsque le Président les invite à exprimer leur vote final dans une phase quelconque de la procédure, ou à voter sur une question concernant la manière de procéder au vote sur la décision ou la conclusion dont il s’agit, les juges doivent se prononcer seulement par un vote affirmatif ou négatif.
Article 9
i) Bien que n’ayant pu assister à une partie des audiences publiques ou du délibéré de la Cour décrit aux articles 1 à 7 de la présente résolution pour cause de maladie ou autre motif jugé suffisant par le Président, un juge peut participer au scrutin final, à condition que :
a) pendant la plus grande partie de la procédure, ce juge se soit trouvé ou soit resté au siège de la Cour ou en tel autre lieu où la Cour siège et exerce ses fonctions aux fins de l’affaire conformément à l’article 22, paragraphe 1, du Statut ;
b) s’agissant des audiences publiques, ce juge ait été en mesure d’en lire le compte rendu officiel ;
c) s’agissant du délibéré décrit aux articles 1 à 7, ce juge ait pu au moins présenter une note écrite, lire les notes de ses collègues et examiner les projets préparés par le comité de rédaction ;
d) s’agissant de la procédure dans son ensemble, ce juge ait suffisamment participé aux audiences publiques et au délibéré décrit aux articles 1 à 7 pour être en mesure de parvenir à une conclusion judiciaire sur tous les points de fait et de droit qui présentent de l’importance pour la décision à rendre en l’espèce.
ii) Tout juge ayant qualité pour participer au scrutin final doit voter en personne. Au cas où, tout en étant en mesure d'exprimer un vote, un juge ne peut être présent à la séance à laquelle le scrutin doit intervenir, pour cause d'incapacité physique ou pour une autre raison impérative, le scrutin est reporté, si les circonstances le permettent, jusqu'à ce que le juge puisse y assister. Si la Cour estime que les circonstances rendent un report impossible ou inopportun, elle peut, afin de permettre au juge d'exprimer son vote, décider de se réunir ailleurs qu'en son lieu de séances habituel. Si l'on ne peut recourir en pratique à aucune de ces deux solutions, le juge peut être autorisé à exprimer son vote de toute autre manière dont la Cour décide qu'elle est compatible avec le Statut.
iii) Si un doute s'élève sur le point de savoir si un juge peut voter dans les conditions prévues aux paragraphes i) et ii) du présent article et que ce doute ne peut être dissipé au cours de la discussion, la question est, sur la proposition du Président ou à la demande de tout autre juge, décidée par la Cour. iv) Lorsqu'un juge exprime son vote final dans les conditions prévues aux paragraphes i) et ii) du présent article, le paragraphe v) de l'article 8 s'applique.
Article 10
Les dispositions qui précèdent sont applicables aussi bien en matière contentieuse qu'en matière consultative.
Article 113
i) Lorsqu’elle indique des mesures conservatoires, la Cour élit trois juges pour former une commission ad hoc chargée de l’aider à assurer le suivi de la mise en œuvre des mesures indiquées. Ni les membres de la Cour ayant la nationalité de l’une des parties ni les juges ad hoc ne peuvent siéger à la commission.
ii) La commission ad hoc examine les renseignements fournis par les parties concernant la mise en œuvre des mesures conservatoires indiquées. Elle rend compte périodiquement à la Cour et lui fait des recommandations sur la suite à donner.
iii) Toute décision à cet égard est prise par la Cour.
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1Avant 1968, en vertu de la décision prise en 1946 par la Cour internationale de Justice de se conformer provisoirement à la pratique de la Cour permanente de Justice internationale, la pratique interne de la Cour en matière judiciaire était régie par la résolution que la Cour permanente avait adoptée le 20 février 1931, telle qu'elle avait été modifiée le 17 mars 1936.
2La résolution visant la pratique interne de la Cour en matière judiciaire a été amendée le 24 octobre 2023 avec effet immédiat afin qu’y soit introduit un langage inclusif. Aux fins de la présente résolution, le genre grammatical masculin est employé dans sa valeur générique, sans marque de genre social ou biologique.
3Article adopté par la Cour le 21 décembre 2020.